Pour une naissance en douceur

Changement de style pour cet article dans lequel j’ai décidé de livrer de manière plus analytique et détaillée mon vécu lors de mes grossesses et accouchements. Le tout suivi de ce que ces expériences, parfois difficiles, m’ont permis d’apprendre. Un long article donc, moins poétique et plus pragmatique, dans le but que mon expérience puisse soutenir les mamans dans l’acceptation de leur vécu et les futures mamans dans la préparation à la maternité.

Ma première grossesse, ou quand mes conditionnements sont plus forts que mon rêve…

Dès l’annonce de ma première grossesse, une certitude : je veux accoucher de la manière la plus respectueuse de mon enfant qui soit, c’est-à-dire avec le moins d’intervention médicale possible, dans le respect de la physiologie.

A 4 mois de grossesse, lors de mon inscription à la maternité, je fais part de mon souhait d’accoucher en salle physiologique, sans péridurale. La sage femme qui me reçoit me demande « pourquoi ? ». Déroutée par la question, je me vois en train de justifier mon choix, comme si cela ne coulait pas de source qu’une maman veuille et puisse accoucher par elle-même. Bizarre, mais je ne me focalise pas sur cette remarque…

J’entame à 5 mois de grossesse une préparation à l’accouchement par l’autohypnose, soucieuse de mettre toutes les chances de mon coté. Je m’applique à refaire les exercices présentés par la sage femme, tout en suivant des cours de préparation plus classiques en petit groupe.

Malgré tout, je doute. Mon compagnon comprend mon souhait, mais son esprit cartésien ne souhaite pas me voir m’entêter dans une direction, il tient à ce que je m’autorise à prendre la péridurale en cas de besoin. Trop peu sure de moi, je l’écoute, et j’acquiesce pour le rassurer, même si intérieurement je crie. J’aurais besoin de son soutien, comment avoir confiance en moi quand la personne sur qui je peux le plus compter doute de moi ?

6 mois 1/2 de grossesse : fissure de la poche des eaux. Hospitalisation en urgence. Me voila prise au piège des protocoles et otage de la toute puissance des obstétriciens et sages-femmes qui eux « savent ». Comment pourrais-je savoir ce qui se passe dans mon corps, ce qui est bon pour moi et pour mon bébé ? Eux ont fait des années d’études et ont des années d’expérience. Mon vécu, mon ressenti ne comptent pas, ils sont systématiquement niés. Pire, on me décourage, on m’humilie.

« Ne vous faites pas de film » me répond-on quand je demande si mon bébé risque de naitre prématurément ! Oserait- on parler de la sorte à un malade à qui on vient d’annoncer un cancer ? Ne pouvait on pas me répondre, comme mon compagnon et moi-même le lirons suite à des recherches sur internet, que statistiquement, « après rupture prématurée des membranes avant terme, la durée moyenne de latence avant les naissances varie de 10 à 21 jours. Cinquante-sept pour cent des femmes auront accouché dans la semaine et 22 % dans le mois qui suit la rupture. Durant la période de surveillance, 3 à 13 % des patientes voient la perte de liquide s’arrêter et le volume du liquide revenir à la normale »1.

« On ne donne pas de médicaments avec des effets secondaires », me répond-on quand je demande quels sont les effets secondaires pour moi et mon bébé de la prise de cortisone (utilisée pour faire mâturer les poumons). Une sage femme nous expliquera pourtant le soir même que la cortisone augmente les contractions et donc le risque de naissance prématurée…

« De toute façon, vous, vous serez déclenchée », me dit-on lors d’une séance de préparation à l’accouchement à l’hôpital. Puisque mon bébé a décidé de s’accrocher et que tout s’est stabilisé depuis 3 semaines, on va quand même l’obliger à sortir de force dès qu’il aura atteint 37 semaines ! Ben oui, y’a toujours ce foutu risque de microbes…

D’ailleurs ces microbes dont on a si peur et qui justifient plusieurs prises d’antibiotiques, quels sont ils ? Ben ceux de mon vagin. Heu, moi pas comprendre, mon bébé n’est il pas sensé naitre par mon vagin de toute manière ? Et je ne perds plus de liquide. Et puis vous avez déjà vérifié les streptocoques et tout ça, je croyais que c’était bon ?

Aucun médecin ni sage femme ne sera en mesure de répondre à la question que nous leur posons sur le rapport bénéfices / risques à déclencher l’accouchement plutôt qu’à attendre qu’il se produise spontanément.

« Quand on a rompu la poche des eaux, on ne rentre pas à la maison » me répond-on quand, après avoir dépassé 34 semaines, et donc le risque de grande prématurité pour mon bébé, je demande pourquoi on me garde à l’hôpital. Pourtant, je ne perds plus de liquide depuis plus de 2 semaines, je n’ai pas de contractions et toutes les échographies et prises de sang  sont bonnes. Ah oui, mais c’est le protocole, donc  on l’applique bêtement sans réfléchir…

« Et puis à la maison c’est moins hygiénique, y’a plus de risques d’infection ». Hein ? Ma maison est plus « sale » que l’hôpital ? Ici tous les jours, je vois un tas de personnes qui potentiellement convoient des microbes : la femme de ménage qui étale ses microbes d’une chambre à l’autre, la serveuse de repas avec son chariot, la sage femme ceci, l’auxiliaire cela, le médecin  bidule, le personnel de jour, de nuit, la secrétaire qui tousse etc… Bref chez moi, y’a moi, mon compagnon, et c’est tout. Et les microbes chez nous, ben c’est les nôtres, on les connait, on y est habitués.

Et puis c’est très flou, on me blinde d’antibiotiques car le risque majeur une fois la poche des eaux fissurée serait l’arrivée de microbes dans le liquide amniotique. Ces microbes sont donc sensés arriver de mon vagin, et pourtant on me parle de poussière chez moi ! Aucun personnel médical ne nous indiquera de stopper les rapports sexuels par exemple. J’aurai aussi droit à des échographies vaginales et plusieurs prélèvements, tous potentiellement vecteurs de microbes ! Toujours sur internet, nous lisons : « Le toucher vaginal augmente le risque infectieux et réduit l’intervalle rupture-accouchement. Il doit donc être évité dans tous les cas où la patiente ne présente pas de signes de début de travail »2. Il y a faute professionnelle là non ?

Grace à internet toujours, nous trouvons enfin la réponse à nos questions : « Après 34 semaines, si la patiente ne se met pas en travail spontanément, deux attitudes sont possibles : soit le déclenchement de l’accouchement, soit l’expectative. Jusqu’à quel terme aller si tout va bien : la femme n’a pas de fièvre ni de contractions, les prélèvements sont négatifs, la CRP est basse, l’échographie montre un volume de liquide amniotique normal, une bonne croissance fœtale ? La Cochrane a publié des résultats montrant qu’il n’y avait pas de preuve de meilleurs résultats dans l’une ou l’autre attitude. On peut donc en l’absence de signes cliniques ou biologiques de chorioamniotite essayer de gagner encore un peu de temps. 3»

Donc j’insiste, et après 3 semaines ½ à l’hôpital, l’obstétricien accepte enfin que je rentre à la maison. Au final nous avons eu l’impression d’être mieux informés que le personnel médical, qui soit dit en passant, n’a jamais entendu parler du consentement libre (sans contraintes) et éclairé (le médecin est tenu de présenter clairement au patient tous les risques d’une conduite thérapeutique) du patient. Impossible d’échapper au protocole ! Comme lorsque je demande à la chef militaire, heu la sage femme, si on ne pourrait plus faire qu’un monitoring de 30 min par jour au lieu de 3, car je n’ai jamais montré aucune contraction.

«- Non, c’est 3 par jour, impossible.

– Mais c’est désagréable pour moi et je vois que mon bébé n’aime pas, ça le gène, il donne des coups de pied dans les capteurs.

– Vous affabulez, votre bébé est protégé par le liquide amniotique, il ne sent rien ».

Non mais je rêve ? Le bébé ne sent rien ? Alors qu’il réagit quand moi et mon compagnon posons doucement la main sur mon ventre pour le câliner ? Là j’ai explosé : « C’est mon bébé, il est dans mon ventre, je sais comment il réagit ! » Sur ce elle a claqué la porte. Mais a continué à m’imposer les 3 monitorings par jour.

Bref, je rentre chez moi. Je reprends les séances d’autohypnose avec la sage femme libérale. Et 3 semaine ½ plus tard, je romps la poche des eaux en pleine nuit. Pas de doute cette fois, ce n’est pas juste quelques gouttes ! Puis je sens les premières contractions. Nous préparons les affaires et c’est face au soleil levant que nous roulons vers la maternité.

27h après avoir rompu, mon petit garçon voit le jour. Entre temps c’est une suite d’incohérences qui s’est déroulée. On me met en observation dans une chambre car mes contractions n’apparaissent pas au monitoring : j’en sens pourtant, même si elles ne sont pas encore douloureuses. Non, le travail n’a pas commencé, c’est le monitoring qui le dit ! Du coup je doute… est ce du faux travail ? Est ce vraiment pour aujourd’hui ? Puis, rebelote, 12h après avoir rompu, comme le monitoring dit que le travail n’est pas commencé (et puisque le monitoring le dit, on ne verifie même pas par un toucher vaginal si le col est en train de se dilater), le protocole lui dit qu’il faut injecter (encore) des antibiotiques. Trois perfusions espacées de 4h.  Ok mais avant de consentir, on souhaite être informés. Quels risques à ne pas faire cette injection ? On veut des chiffres. Et surtout quels effets secondaires en termes d’installation de la flore intestinale du bébé ? Encore une fois ni la sage femme, ni l’obstétricien ne pourront nous répondre, ils ne se sont même jamais poser la deuxième question ! Bref, ayant grandi en me soumettant à l’autorité, je n’ose m’affirmer et je capitule encore une fois, décision que je regretterai par la suite quand nous lirons que la proportion de bébés montrant une infection dans ce cas est infime. Ne dit on pas pourtant que « les antibiotiques, c’est pas automatique » ? Ils ne semblent pas être au courant à la maternité.

La sage femme de nuit arrive. Toujours rien au monitoring, mais elle m’écoute et vérifie mon col. Dilatation à 3 cm. Bizarrement, de m’entendre dire que ça y est je suis en travail, l’intensité des contractions augmente brusquement. J’utilise les visualisations apprises en autohypnose. Pour le moment ça va. Je suis toujours dans une chambre, alors je demande à aller en salle physiologique en faisant part à la sage femme de mon souhait d’accoucher sans péridurale.

« – Vous ne pouvez pas y aller, le bain est interdit pour vous puisque vous avez rompu (ben oui, les microbes !!!).

– Oui mais il y a les sangles pour étirer le dos, les ballons, et l’ambiance plus agréable. »

La sage femme vérifie alors, et revient avec le verdict : « les sangles n’ont pas été lavées depuis la dernière patiente, vous ne pouvez pas y aller. » Puis toutes les salles d’accouchement sont utilisées alors je reste ici. Je lui demande quand même un ballon. Ceux qu’elle me ramène sont tous dégonflés et inutilisables. Bref me voila à 4 pattes sur le lit, à chaque contraction je perds de l’eau, je vais prendre régulièrement des douches chaudes, puis revient l’heure de la perfusion d’antibiotiques. Immobilité forcée car la sage femme ne me laisse qu’un tube de perfusion d’1m de long. Je ne peux plus me mettre dans la position que je veux. La colère monte. J’ai de plus en plus de mal à rester dans ma bulle, à me concentrer sur mes visualisations. Puis je reçois un violent coup de pied dans le ventre : mon enfant qui exprime toute la colère que je retiens depuis ce matin. Et c’en est fini, je n’arrive plus à me remettre en mode « autohypnose ». J’ai mal. La sage femme vérifie, je suis à 5 cm. « A quoi bon se faire du mal, vous êtes déjà arrivée jusque là, la péridurale, vous pourrez faire sans pour un 2ème enfant ». Mon compagnon qui me voit souffrir se sent impuissant, et je sens qu’il serait plus à l’aise que j’accepte la péridurale aussi. De mon coté, la douleur augmente et devient de plus en plus intolérable, et je me résous à l’évidence : dans ces conditions, sans soutien et entourée de contraintes en tous genres, je n’y arriverai pas. Alors j’accepte.

Vient alors l’épreuve suprême : me rhabiller, remballer nos affaires, traverser les couloirs et descendre deux étages pour aller en salle d’accouchement. Un calvaire, j’ai mal, je n’en peux plus, je veux qu’on me fiche la paix. L’anesthésiste arrive. Je hurle maintenant à chaque contraction pour me libérer de la douleur. Et je culpabilise de faire subir ça à mon bébé qui doit se demander ce qui se passe. « Entre chaque contraction, la douleur s’arrête » m’avait- on dit. Mensonge. Elle descend à peine que déjà je sens la prochaine contraction arriver. On fait sortir mon compagnon, au moment où j’ai le plus besoin de lui. On m’immobilise pour m’introduire l’aiguille dans le dos. Je tends la main désespérément vers la sage femme présente, pour avoir un peu de soutien. Elle me la refuse. Seule. Je suis désespérément seule. Je prends sur moi.

Enfin le calme. Il est minuit. Je n’ai pas dormi depuis 2h30 la nuit dernière. Alors je tombe dans le sommeil. Mon compagnon aussi. A 1h, la sage femme m’annonce que je suis à 9 cm. A 2h, je suis à dilatation complète. « On se donne 2h » me dit-elle. Cette sage femme a l’air plus humaine que les précédentes, nous lui remettons notre projet de naissance. Elle le lit et fera son possible. Je souhaite éviter une épisiotomie et toute injection de produit sans mon consentement, accoucher dans la position de mon choix plutôt qu’en position gynécologique, attendre que le cordon cesse de battre avant de le couper, que la lumière soit tamisée etc.

La douleur revient progressivement. Supportable, mais je ne veux plus avoir mal comme tout à l’heure. Alors j’appuie sur le bouton pour réinjecter une dose de péridurale. Rien ne se passe. Je recommence. Toujours rien. Nous appelons l’anesthésiste. Elle bidouille les tubes mais ne parvient pas à faire fonctionner la pompe. Alors elle me réinjecte une dose de produit manuellement. Une dose de cheval. La sage femme revient pour me guider pour la poussée mais je ne sens plus rien. RIEN. Et comme le monitoring ne détecte toujours pas mes contractions (c’est pourtant lui qui a raison !), la sage femme est contrainte de tâter mon ventre pour me diriger. Comme la bonne élève que j’ai été, je m’applique à obéir et fais de mon mieux. Je donne tout, pousse comme une malade, sans savoir qu’à ce moment là je suis en train de fragiliser profondément mon périnée. Il parait que la péridurale n’a aucun effet secondaire… Bref, après avoir tenté sur le coté sans succès, je me vois contrainte d’accepter la position gynécologique, celle que je voulais à tout prix éviter car elle est anti physiologique au possible. Mais mon bébé ne descend toujours pas. Il est orienté la tête vers le haut, au lieu de regarder vers le bas. La sage-femme tente de le retourner, mais mon bébé reste les yeux vers le ciel, comme un refus de poser son regard sur cette Terre dans ces conditions si aliénantes.

Alors comme le spécifie le protocole (encore lui), la sage femme fait appel à l’obstétricien qui devra surement utiliser forceps ou ventouse. Je n’ai pas le temps de digérer l’information que déjà il est là et m’ordonne de pousser. C’est le même médecin qui la veille n’avait su répondre à nos questions sur l’intérêt de la prise d’antibiotiques. La sage femme bredouille quelque chose au sujet d’une injection d’ocytocine pour éviter une hémorragie. Ce n’est pas clair pour moi et je demande des précisions. L’obstétricien clos le débat en disant : « l’ocytocine sauve des vies ». Il termine sa garde de nuit, il en a marre, ce n’est pas le moment de le faire ch**r. Et sans me le dire procède à l’injection que bien évidemment je ne sens pas. C’est mon compagnon qui me dira plus tard qu’il l’a faite sans mon consentement. Il annonce alors « je coupe » et hop, une épisiotomie de gagnée ! Puis c’est la ventouse. Là encore je n’ai pas le temps de réaliser que mon bébé est sorti que déjà le cordon est coupé. Quand je proteste, on me répond : « il avait le cordon autour du cou ». Et alors, on pouvait bien défaire les tours autour du cou et le laisser appréhender la transition avec  ce monde avec douceur. Pourquoi tant de violence, pourquoi ? J’en pleure encore en écrivant ces lignes.

Mon bébé observe et ne dit mot. Mon compagnon qui assiste à tout ça, nous voyant moi et notre bébé reliés à des fils en tous genres (perfusion, tensiomètre, monitoring, mesure du taux d’oxygène dans le sang pour mon bébé etc) ne sait s’il assiste à une naissance ou à une fin de vie. Puis c’est la boucherie : pour sortir le placenta, l’obstétricien tire sur le cordon puis appuie de tout son poids (il a la carrure d’un rugbyman) sur mon ventre. J’ai mal, je proteste. Je ne sens pas mon bébé naitre, et pourtant là, il me fait mal : quelle est cette brute sans cœur ? Je comprends mieux l’intérêt de l’ocytocine pour stopper l’hémorragie qu’il vient lui-même de déclencher ! Pourquoi ne pas attendre que le placenta ne se décolle de lui-même ?

Enfin il me recoud et quitte la pièce. La sage femme termine les soins. Puis une puéricultrice arrive pour les soins à mon bébé. On lui insère un tube dans l’œsophage pour un prélèvement gastrique. Pour vérifier l’absence d’infection. Puis on le nettoie et on l’habille, sous les yeux attentifs de son papa. De l’autre bout de la pièce je l’entends pleurer et mon cœur se fend.

Je resterai quatre jours à la maternité, et les manques de respect envers les mamans, les papas et les bébés seront récurrents :

– Réveiller mon bébé qui dort épuisé après cette naissance difficile, parce que la puéricultrice a décidé que c’était maintenant qu’il fallait lui donner le bain.

– Mon compagnon qui récupère comme il le peut, recroquevillé sur le fauteuil de la chambre, après cette nuit sans sommeil et sans rien à manger. Ce bébé c’est le sien, lui aussi est épuisé (et choqué) par ce qui vient de se passer. Mais rien n’est prévu pour les papas…

– Le pédiatre, qui après la puéricultrice et la sage femme, vérifie une énième fois les réflexes de mon bébé, et le laisse tomber en arrière. S’imagine-t-on la frayeur qu’un tout petit peut ressentir à ce moment là ? Pourquoi lui infliger ça ?

– L’obstétricien qui défile de chambre en chambre chaque matin et insère ses doigts dans les vagins des patientes à la chaîne, sans cœur ni délicatesse. Traitées comme du bétail…

– La sage femme à qui je fais part de ma douleur aux seins qui sont hyper tendus suite à la montée de lait, me dit de les masser pour en extraire du lait. Ne sachant comment faire je lui demande de me montrer. Elle me triture alors les seins à m’en arracher des larmes aux yeux et des cris de douleurs. Sa réponse ? « Il faut savoir ce qu’on veut ! ».

– Et je pourrais encore continuer la liste…

Alors ok le personnel est insuffisant, ok les horaires sont difficiles etc, mais un peu d’humanité dans les gestes, dans la voix, dans les regards, envers les mamans, les papas, et surtout les bébés, est ce si difficile ? Ces enfants qui arrivent sur Terre se voient trop souvent confrontés à la brutalité et au manque de respect. Bien sur il n’y a pas de malveillance volontaire de la part du personnel médical, juste une inconscience profonde des besoins de l’enfant et de ses parents dans ces moments précieux qui devraient être reconnus et respectés pour ce qu’ils sont : l’accueil d’un nouvel être sur Terre, un moment sacré !

Je reprends l’écriture de cet article après quelques semaines de pause et je me rends compte à quel point écrire le récit de mon expérience m’a replongée dans les émotions vécues à ce moment l à.

Je me suis sentie irritée, agacée, puis en colère quand mon besoin de respect a été négligé, quand mon intégrité physique a été bafouée, quand mon besoin de reconnaissance pour ce que je ressentais a été nié, quand mon besoin d’information a été rejeté.

Je me suis sentie terriblement seule quand mon besoin de soutien a été ignoré.

Je me suis sentie impuissante et démunie quand mon besoin de maitrise de mon corps a été annihilé par la péridurale. J’ai eu l’impression d’abandonner mon enfant.

J’ai ressenti tellement de colère quand mon besoin de prendre soin de mon bébé a volé en éclat alors qu’on arrachait son corps de mon corps. De la colère envers le médecin qui agissait sans tact, de la colère envers moi-même, qui venait d’abandonner et de faire souffrir mon enfant.

Cette colère que je n’ai pu exprimer sur le moment (la mise au monde de son enfant n’est elle pas sensée être le plus beau moment de notre vie ?), je l’ai refoulée. Elle m’a tiraillée pendant des mois, elle s’est transformée en culpabilité, en un poids énorme sur mes épaules. En un voile opaque qui m’empêchait de voir le cadeau que la vie et mon enfant venaient de me faire : l’opportunité de grandir de cette expérience difficile.

C’est-à-dire de reprendre mon pouvoir ! De ne plus subir, de redevenir actrice de ma vie. D’oser avoir confiance en mes ressentis. D’oser dire non, stop, quand ca ne me convient pas. De croire en moi, de croire en mon enfant. De me respecter pour enfin être respectée !

Car au fond, cette partie de moi qui me faisait croire que je suis coupable n’est pas moi. Elle est juste issue de mes conditionnements : ceux qui me font croire que je suis responsable du bonheur ou du malheur de l’autre. Alors que profondément, dans mon cœur, je sais que je ne voulais pas nuire à mon enfant, j’avais juste atteint mes limites en terme de douleur, en terme de confiance en moi. Profondément je sais que j’ai fait de mon mieux, le mieux qu’il m’était possible alors, par rapport à mes connaissances et mon expérience.

Pourtant j’avais beau savoir intellectuellement que « tout est juste » et que « chaque obstacle est là pour nous faire grandir », il m’en a fallu du temps, plus de deux ans et demi, pour enfin accepter de lâcher cette culpabilité. Ce qui m’y a aidée, a été de vraiment conscientiser qu’à ce moment là de ma vie, j’avais atteint mes limites. La leçon a certes été difficile, mais deux ans et demi plus tard je mesure le chemin parcouru.

 

Ma 2ème grossesse, comme un rappel douloureux de la leçon à apprendre : oser me respecter pour être respectée !

A l’annonce de ma deuxième grossesse, je savais que cette fois j’allais me faire confiance. Et que j’allais m’entourer de professionnels bienveillants et soutenants. J’ai donc décidé de prévoir un accouchement à domicile (AAD). Mon compagnon a accepté de m’accompagner dans ce choix, rassuré par le fait que la sage femme ne tolérerait un accouchement à domicile que dans la mesure où la grossesse se passerait sans accroc. Par chance, deux sages femmes libérales pratiquent l’AAD près de chez moi. Malheureusement, avant même le premier RDV fixé aux 2 mois ½ de grossesse, j’ai fait une fausse couche. Je traversais alors une période très difficile professionnellement parlant, où encore une fois, parce que je n’osais dire non, ni me respecter, je n’étais pas respectée en retour, ce qui a conduit à un effondrement émotionnel suivi d’un arrêt de travail. C’est lors de cette semaine d’arrêt que mon bébé est parti. Noé avait alors tout juste 10 mois, et j’étais encore loin d’avoir intégré la leçon de sa naissance douloureuse. J’ai alors vu cette fausse couche comme un rappel de la leçon à apprendre : oser me respecter pour enfin être respectée !

Ne souhaitant pas d’intervention médicale dans ce cas, j’ai décidé, après en avoir parlé à ma sage femme, de laisser faire la nature. Les saignements ont duré une dizaine de jours, une échographie de contrôle a été pratiquée ensuite pour vérifier que l’utérus était bien vide.

Au final, j’ai beaucoup mieux vécu cette fin de grossesse que la naissance de Noé, dans le sens où je n’ai pas développé de sentiment de culpabilité mal placé, car j’ai ressenti au fond de moi à quel point ma petite fille avait elle aussi besoin de cette expérience pour grandir. Je l’ai vue en rêve se détacher de moi avec cette impression indescriptible de douceur et de paix, ce qui m’a beaucoup aidée à accepter son départ malgré l’incrédulité et la profonde tristesse. Je sais qu’on se retrouvera.

 

Ma 3ème grossesse, où quand je fais le choix de me faire confiance.

Quand 3 mois ½ plus tard je suis de nouveau enceinte, je sais déjà que cette fois je ne reproduirai plus les mêmes erreurs ! Je reprends contact avec les sages femmes qui pratiquent l’AAD. Enfin je me sens soutenue et comprise ! Je sais que je suis capable de mettre mon enfant au monde sans intervention médicale. Je le sais et ma sage femme le sait aussi, et ce changement de regard booste ma confiance en moi !

C’est aussi dans ce sens que je décide de m’affranchir de toute méthode de préparation à l’accouchement. Pour mon premier accouchement, la préparation  par l’autohypnose avait été utile pour rassurer mon mental apeuré face à l’inconnu et efficace pour calmer mon angoisse lors de mon hospitalisation en urgence suite à la rupture prématurée de la poche des eaux. Mais avec du recul, je me suis rendue compte que lors de l’accouchement, les visualisations apprises en autohypnose pour rendre la douleur des contractions supportable, m’ont coupée de mon ressenti et de mon instinct. C’est une autre leçon que j’ai tirée de ce premier accouchement : je me suis laissée enfermer par les visualisations, et lorsque je n’ai plus réussi à me concentrer et que donc celles-ci ne fonctionnaient plus, j’ai été prise au dépourvu, et me suis sentie d’un coup submergée par la douleur. Mon mental qui jusque la semblait maitriser la situation ne contrôlait soudain plus rien. La peur d’avoir mal a donc pris le dessus, et forcement j’ai eu très mal !

Cette fois ci, mon unique préparation consistera à lire des témoignages de mamans ayant accouché à domicile, et un livre de Maïtie Trélaün: « J’accouche bientôt : que faire de la douleur ? ». Ces lectures m’ont confortée dans mon choix de ne pas faire de préparation spécifique, dans le sens où il en ressort clairement que les mamans, pour accoucher par elle-même, ont besoin de couper le mental et de se laisser traverser par ce qu’elles vivent, dans un total lâcher prise. Il n’y a donc rien à faire, rien à contrôler, au contraire il y a juste à laisser faire. La nature, mon corps, l’intelligence de vie qui circule en moi, sauront me guider, pour peu que je sois à l’écoute de mon ressenti, pour peu que j’accepte de couper le mental qui parasite tout.

Plus facile à dire qu’à faire me direz vous ? Et pourtant j’ai été la première surprise par la relative facilité et la rapidité de la naissance de Simon. Je me suis écoutée. Dès que j’ai ressenti les premières contractions, avant l’aube, je me suis mise dans mon cocon : je me suis détendue par les visualisations que je me suis créées en cours de grossesses, inspirées de diverses méditations et visualisations. Il s’agissait pour moi de me connecter à la Terre puis au Ciel, et de me voir comme ce lien de lumière par lequel mon bébé allait s’incarner sur Terre. Ma respiration se fait alors plus calme, plus ample, je me détends et je ressens la joie d’accueillir prochainement mon enfant.

Quand mon compagnon et Noé se réveillent, ils devinent que quelque chose se passe et que c’est surement pour aujourd’hui. Les contractions ne sont pas encore fortes, mais nous appelons les parents de Vincent pour venir s’occuper de Noé pendant l’accouchement. Entre temps je viens de perdre le bouchon muqueux. Je préviens ma sage femme qui me dit de la tenir au courant de l’évolution. Mon compagnon commence à stresser, il a besoin de faire quelque chose, de se sentir utile. Il veut déjà déménager le matelas dans le salon, gonfler la piscine d’accouchement (prêtée par la sage femme), mais son stress me parasite et j’ai besoin de calme. Je l’envoie donc faire des courses avec Noé. Pendant ce temps, je me recentre sur moi, je prépare mes affaires en cas de transfert en urgence à la maternité. Puis je m’allonge, je me concentre sur ma respiration et ce que je ressens, je parle à mon bébé, je fais mes visualisations et je me détends profondément.

Les grands parents arrivent en fin de matinée. Mon chéri prépare à manger. J’ai à peine le temps de manger quelques bouchées que soudain, je romps la poche des eaux ! Je sens que tout s’accélère. Je vais me changer, et je rappelle la sage femme. Elle sera à la maison dans une heure. De mon coté les contractions, qui jusque la étaient irrégulières, se rapprochent et s’intensifient. Je m’isole dans le salon avec mon ballon, j’écoute la liste de musiques que j’ai choisies (principalement Armand Amar) et qui m’aident à me couper du monde qui m’entoure pour me centrer sur ce qui se passe en moi. De son coté mon chéri est actif : il gonfle la piscine d’accouchement et la remplit d’eau chaude. Je sens que je vais en avoir besoin rapidement : les contractions reviennent toutes les 3 minutes. Je me glisse enfin dans l’eau avec délice.

Ma sage femme arrive peu de temps après, avec une future collègue qui, avec notre accord, vient assister à son premier accouchement à domicile. Elles sont  surprises de me trouver déjà dans l’eau. Ma sage femme vérifie mon col, ne me dit rien mais je vois bien que pour elle ce n’est que le début. Elle m’incite donc à rester sur le ballon quelques temps avant de retourner dans l’eau. Les grands parents quittent la maison avec Noé pour nous laisser tranquilles. J’embrasse très fort mon petit garçon et lui dis à bientôt. Avec son papa, cela fait plusieurs semaines que nous l’avons préparé à ce moment. Puis la sage femme écoute brièvement le cœur de mon bébé : tout va bien pour lui. Je sens que j’ai besoin de retourner dans l’eau, alors je m’écoute.

Je trouve la position qui me convient le mieux pour supporter la puissance des contractions : à genoux le long de la paroi de la piscine, les bras ballants dans le vide de l’autre coté, la tète appuyée sur le bord. Je respire le plus lentement et amplement possible, et quand la contraction est là, même si j’ai parfois le reflexe de me crisper, je lâche la tension et j’expire très lentement et longuement, tout en poursuivant mes visualisations. Chose étonnante à laquelle je ne m’attendais pas, les contractions se ressentent jusque dans mes cuisses, c’en est épuisant. Entre deux contractions je m’affale complètement sur le bord de la piscine, je souffle, je récupère. Mon compagnon est là tout près, les sages femmes aussi, et je me sens en sécurité.

Très vite, je sens mon bébé qui descend avec chaque contraction : ça pousse. J’ai chaud, je sue à grosses gouttes. Je fais parfois des mouvements de bassin de gauche à droite, comme ça, sans réfléchir. Les contractions montent encore en puissance. Mes sages femmes se relaient pour me masser le bas du dos, entre les reins. Ca me soulage énormément. Mon compagnon me tient les mains et souffle avec moi. Ca aussi, ca m’aide énormément. Puis une contraction m’arrache un cri de douleur. Ca commence à être tellement fort que je me demande si je vais être capable de supporter ça encore longtemps. En fait, non, je me dis que je ne pourrais pas supporter ça encore longtemps. Ma sage femme regarde entre mes jambes : mon bébé sera bientôt là, une question de minutes me dit elle.  J’ose à peine y croire, et en même temps cette annonce me permet de supporter les dernières contractions sans douter de moi. Je sais que bientôt ce sera fini, qu’enfin je serai libérée de la douleur.

Ma sage femme me demande si je souhaite sortir de l’eau pour la mise au monde. Non, aucune hésitation, je suis bien dans l’eau. Elle me suggère alors de me mettre accroupie afin que mon bébé naisse entièrement dans l’eau, car dans ma position actuelle (je suis toujours à genoux le long de la paroi de la piscine), il risque de n’être que partiellement dans l’eau : s’il venait alors à inspirer, il pourrait avaler de l’eau. Je tente, mais je ne me sens pas à l’aise. Je me mets donc à quatre pattes. C’est ok pour la sage femme. A la prochaine contraction, elle voit apparaitre la tète de mon bébé. Ça y est, c’est le réflexe de poussée. Comme précédemment, je ne fais rien, je laisse faire mon corps, qui avec une puissance incroyable, pousse mon bébé hors de moi, tout seul. A la contraction d’après, même sans la voir, je sais que la tète de mon enfant est complètement sortie. Je souffle. Puis une ultime contraction expulse le corps de mon bébé. Celui-ci glisse sous mon ventre et c’est son papa, à genoux face à moi, qui l’attrape avant de me le remettre dans les bras ! Bonjour Simon. Bonjour mon amour !

Il s’est écoulé à peine deux heures depuis l’arrivée des sages femmes, et ca y est, mon petit garçon est là. Moi qui m’attendais à ce que l’accouchement dure des heures, surement jusqu’à la nuit, je n’en reviens pas. J’ai vraiment du mal à réaliser que mon bébé est déjà là, que je viens de le mettre au monde par moi-même aussi rapidement. Je suis sur une autre planète. Tellement secouée par la puissance de ce que je viens de vivre. Epuisée aussi, si bien que d’un coup j’ai froid, je tremble de tout mon corps. Une dernière contraction expulse le placenta, puis c’est le calme.

Je me sens en joie, je me sens en paix, je me sens épuisée et en même temps parfaitement bien. Merci la Vie pour cette expérience incroyable ! Merci Simon ! Merci à mon chéri qui a cru en moi ! Merci à toutes les sages femmes qui permettent aux mamans d’accoucher chez elles en toute sécurité ! MERCI !

 

1 : P. Gillard, L. Sentilhes, P. Descamps. Rupture prématurée des membranes en dehors du travail : conduite à tenir.

2 : CNGOF. Recommandations pour la pratique clinique. Rupture prématurée des membranes. J Gynecol Obstet Biol Reprod 1999 ; 28 : 606 – 694 .

3 : Planned early birth versus expectant management for women with preterm prelabour rupture of membranes prior to 37 weeks’ gestation for improving pregnancy outcome . Cochrane Database Syst Rev 2010 : CD004735

5 réflexions sur “Pour une naissance en douceur

  1. Gaëlle

    Merci pour ces témoignages : beaux, difficiles, pleins d’émotions.
    Cela ressemble tellement à mon vécut de mes deux accouchements ! J’ai une histoire très similaire. Un an après mon premier accouchement en maternité (un accouchement « abandon » comme je l’ai ressentit…), j’avais l’impression de revenir dans cette salle à chaque difficulté émotionnelle que je rencontrais. Mon chef me parle mal devant tous mes collègues? Je revis cette sensation de solitude absolue, d’incompréhension. Cela m’a durablement marquée.
    Lors de mon AAD, j’ai trouvé cette confiance en mon corps incroyable ! Il a tout fait tout seul ! Il me disait ce dont il avait besoin (nourriture, douche, position …) et je n’avais qu’à l’écouter ! J’en suis sortie avec cette sensation de pouvoir tout faire : Régler le réchauffement climatique, la faim dans le monde? Pas de soucis, je peux !
    J’en conviens, ce n’est pas pour tout le monde. Mais cet extrême qu’est l’AAD m’a permis de comprendre combien la majorité de ce qui se passe en maternité est à côté de la plaque !
    Merci encore, je sais combien se replonger dans ce genre de souvenirs est violent. Les sentiments que l’on a eu sur le coup mettent longtemps à s’éroder même dans la mémoire.
    Merci et bravo !

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  2. Ping : Angélique compare deux modes d’accouchement bien différents… – ADAD Toulouse

  3. Lucie

    Bonjour Angelique,
    Je me suis sentie profondément émue et bouleversée de ton récit. Merci pour le chemin personnel d’amour que tu as mené avec courage, et MERCI de le partager avec autant d’authenticité. Il est certain que tu as beaucoup apporté au monde, a tes enfants, a toi-même via l’apprentissage que tu as fait de ces experiences… beaucoup de lumière et de délivrance de la peur. Merci pour ton témoignage !
    Lucie, une jeune femme sans enfant, mais en plein enfantement d’elle-meme en premier lieu via ce respect de soi-meme, cette écoute du corps, cette confiance en elle face aux erreurs du monde.. 🙂

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    1. Merci Lucie pour ton retour si chaleureux. Oui c’est tout a fait comme çà que je me sens: en train de renaître a moi même. Même si le processus est par moment inconfortable, nous ne pouvons plus en faire l’économie je pense! Je te souhaite du courage, de la patience et de la perseverance sur ton propre chemin de retour vers ta lumière!

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